Le réalisme se mesure ici, à la Philharmonie de Paris, ou dans mon club de jazz préféré rue Blomet ou tout autre lieu où la rencontre live avec la musique remet les pendules à l’heure.
Ce soir, j’ai délaissé le balcon de la Reine que j’affectionne particulièrement pour sa plongée au coeur de l’orchestre.
C’est au 1er balcon centre que j’ai choisi ma place aujourd’hui, car pour cette 6e de Mahler, la « Tragique », (**) l’ampleur exceptionnelle de la formation symphonique méritait un positionnement permettant de capter toute la scène sonore, de mesurer la profondeur de champ, d’évaluer le positionnement exact de chaque instrument dans la formation.
Car dans mon quotidien, plus j’écoute des systèmes, du plus simple au plus sophistiqué, je recherche d’abord le timbre de l’instrument ou de la voix, puis la reconstitution de la scène sonore : Violons et altis, violoncelles en face et contrebasses à gauche. 2 harpes à droite, un célesta.
Puis les pupitres des anches, clarinettes, hautbois, bassons.
Puis les cuivres, de gauche à droite, trompettes, trombones, tuba.
Enfin les percussions que Mahler affectionne et dont il use et abuse…. Gong, 3 jeux de timbales, batteries, xylophone, glockenspiel et même marteau qui à la fin fait monter le niveau par un claquement sec.
C’est mon test préféré et la 6e de Mahler en fait partie.
Es-ce que je reconnais bien la position de chaque pupitre ?
La scène sonore est-elle reproduite comme au concert ?
Si oui, cette profondeur de champ doit aller jusque derrière les enceintes et les distances relatives de chaque instrument parfaitement ressenties.
Il ne doit y avoir aucune rupture, il faut que la scène sonore aille bien de droite à gauche sans trou au centre.
L’image stéréophonique c’est ça.
Après vient le respect des timbres de chaque instrument.
Pour en juger, même recette : Aller au concerts très régulièrement.
Enfin, je veux profiter de cette soirée pour parler de niveau sonore.
On me reproche parfois d’écouter un poil trop fort.
Je réponds non, j’écoute à un niveau réaliste !
Au dernier salon, sur l’enregistrement vinyle du MANHATTAN JAZZ QUINTET ou celui de « Shades of Chet » avec Paolo Fresu et Enrico Rava à la trompette, l’auditeur du premier rand a pris 90 db et il était à 2 mètres des enceintes.
Il aurait pris un peu plus en live.
Ce soir à la Philharmonie, j’ai enclenché le db-mètre et j’ai mesuré au devant du 1er balcon, soit à peu près au milieu de la salle, 91,4 db (Peak) pour une moyenne de 85 db (average)
Qu’on ne me dise plus que j’écoute fort, le réalisme du niveau sonore fait partie du réalisme d’écoute à la reproduction.
Conclusion, rangez les appareils de mesure, ouvrez vos oreilles !
Vous voulez acheter un système hi-fi ?
N’écoutez pas les conseils de spécialistes.
C’est vous avec vos oreilles et chez vous que cela va se passer. Donc faites confiance à vos oreilles, si ce que vous entendez reproduit fidèlement le son du concert, ne cherchez pas plus loin.
Vos oreilles sont le meilleur conseiller et sont bien meilleures que tout appareil de mesure qui n’est pas en « mesure » d’entendre ce qui se passe entre les notes, de quantifier les notions d’image et de scène sonore, de profondeur de champ, de transporter de l’émotion.
(*) Mes places préférées à la Philharmonie de Paris (et de Hambourg)
- Le balcon de la Reine avec un quasi surplomb sur l’orchestre, qui permet de voir chaque instrument jouer tout en ayant le recul suffisant pour une scène sonore réaliste (Flèche verte)
- Le balcon face 1er rang centre : Rien entre l’orchestre et la place d’écoute, en direct pour ces scènes sonores symphonique (Flèche Rouge)
- Le parterre pour la musique de chambre, les instruments solistes ou les petites formations mais aussi le jazz (flèches bleues)
Ceci étant, l’acoustique de cette salle est tellement fantastique que l’on peut dura qu’il n’y a pas de mauvaise place
Voir mon article ici :
https://www.jeanmariehubert.fr/wp-content/uploads/2018/06/PHILHARMONIE-DANDYN60.pdf
(**) Ce soir c’était l’orchestre de Paris sous la baguette de Lava Shani.
Une 6e en la mineur d’une énergie fantastique, dans les premiers et derniers mouvements et d’une douceur infinie dans l’andante, sur le bon tempo (82 minutes) permettant d’apprécier chaque mesure. La version de Gergiev avec le London symphonic chez LSO (DSD SACD) en 70 minutes perd à mon sens de son esprit dramatique par une interprétation trop rapide. Ma référence absolue étant celle du Berliner Philharmoniker le 20 juin 2018 sous la direction de Simon Rattle, hélas maintenant indisponible.
Le concert a commencé en 1e partie ce soir par un très sage Concerto pour clarinette de Mozart avec le virtuose Martin Fröst à la clarinette. Toute la douceur de la musique de Mozart, tout sur le soyeux et l’élégance des cordes, sans cuivres (à part les 2 cors) ni percussion.
Quand après l’entracte, on attaque sur les cisaillements énergiques des archets sur 6 contrebasses et les percussions de la 6e, c’est un autre monde qui s’ouvre. Puissant, envahissant, dramatique, bouleversant.
Plus de détails sur ces symphonies de Mahler et sur les enregistrements de mes playlist, de toutes les musiques dans un prochain post.